mardi 12 mars 2024

Escale à Ushuaïa en Terre de Feu en Argentine, la ville la plus méridionale du monde…

    Nous descendons à terre à midi trente après le déjeuner. Nous marchons sur la jetée, nous côtoyons principalement quatre bateaux pour atteindre le port de tourisme : L’Austral du Ponant, le National Geographic Resolution, le Magellan Exploreur et le trois-mâts Europa dont un des marins à la barbe rousse m’offre un radieux sourire.

    Fernand de Magellan et une flotte de cinq navires quittent Séville en septembre 1519 pour faire le tour du monde. En décembre, l'Atlantique est traversé, le Brésil est atteint. Cap est mis vers le sud. A Puerto San Julian, la flotte peine à trouver un passage vers l'ouest. En mars 1520, les marins décident alors de rester en Patagonie où aucun Européen n'avait encore foulé le sol. Les mois passent. Magellan trouve finalement en novembre 1520 un passage entre l'océan Atlantique et Pacifique. Le détroit portera le nom du navigateur portugais. Vingt-sept jours de navigation en tâtonnement sont nécessaires pour accéder à l'océan Pacifique. Le tour du monde continue vers de nouvelles terres….

    Nous nous attardons devant les vestiges d’une ancienne jetée en bois qui disparaît graduellement au rythme des saisons. Après un passage à l’Office du tourisme, nous promenons nos regards sur le Monument aux Pionniers et aux Anciens Colons, une œuvre d'Antonino Pilello qui fut inaugurée en juin 2017 sur la plaza Cívica en présence de son créateur aux côtés des autorités municipales et autres représentants. Sur la place, un bus à l’impérial touristique bleu azur apporte une note de charme à nos découvertes. Un passager du bateau nous prend en photo devant la colonne Ushuaïa 1884-1934. Nous marchons ensuite le long de la baie.

    Nous prenons le temps d’admirer l’épave du bateau Saint Christopher, construit en 1943 par Camden Shipbuilding & Marine Railway Co. à Camden dans l'Etat du Maine aux États-Unis. Une petite histoire raconte que le bateau aurait servi lors du Débarquement de Normandie en juin 1944. Ce bateau de la Royal Navy, classé comme remorqueur de sauvetage, vendu en octobre 1947 à Leopoldo Simoncini de Buenos Aires, fut rebaptisé Saint Christopher. Il fut affrété par la suite, parmi d'autres navires de la marine argentine, pour une opération de renflouement du liner Monte Cervantes dans le canal Beagle resté fortement immergé et immobilisé par des rochers encastrés dans la poupe depuis son accident en 1930. Les diverses tentatives de renflouement furent un échec. Une mauvaise manœuvre se solda par le naufrage du navire. Lors de ces tentatives, le remorqueur de Leopoldo subit des problèmes de moteur et de graves avaries dont certaines au gouvernail. Leopoldo le remisa alors à Ushuaïa dans l’attente de réparations. Toutefois, le montant des réparations dissuada le propriétaire. Son bateau, échoué à l’emplacement où nous l’admirons, fut abandonné à la grâce des intempéries par son Leopoldo attristé…

    Quant au navire Monte Cervantes, un liner allemand de la South American Hamburg Company naviguant entre Punta Arenas au Chili et Buenos Aires, via Puerto Madryn, il sombra en janvier 1930 près de la Terre de Feu après seulement deux ans de service alors qu’il venait de quitter Ushuaïa. Après une trentaine de minutes de navigation dans le canal Beagle, il heurta des rochers submergés près du phare « Les Éclaireurs ». Ne pouvant se déséchouer par ses propres moyens, il commença à couler. Les embarcations de sauvetage furent alors mises à l'eau. Les plus de mille passagers et les quelque quatre cents membres d'équipage évacuèrent le navire sains et saufs. La seule victime fut son commandant Theodor Dreyer qui rencontra la mort quand le navire chavira plus tard à marée basse. Le liner resta alors grandement immergé et agrippé par les rochers à sa poupe. Un article dans le New York Times informa que la mort héroïque du commandant marqua profondément le public de Hambourg. Une légende raconte que dans les mémoires de l'époque, le Monte Cervantes resta célèbre sous le sobriquet de « Titanic du Sud ».

    Nous continuons notre marche. Nous passons tour à tour devant le Club nautique et devant le Casino de jeux avant d’atteindre Letrero Ushuaia, le mot de la ville en grandes lettres minuscules blanches créé voici quelques années pour marquer le passage des visiteurs. Un Asiatique nous prend en photo devant ce symbole attractif. Nous sommes arrivés juste avant un car d’excursionnistes qui font la queue pour être pris individuellement en photo devant le célèbre mot. Dans les minutes suivantes, nous sommes devant les arches de la plaza Gendarmeria Nacional. Nos pas nous mènent ensuite vers la Reserva Natural Urbana Bahía Encerrada. Un séduisant kiosque à la toiture rouge vif charme les regards vers une route à la chaussée peinte avec des motifs floraux. Nous nous attardons sur une passerelle en bois qui borde la réserve. Nous voyons à distance une autre épave attrayante. Des oiseaux au bord de l’eau nous séduisent. Nous revenons ensuite sur nos pas. Nous atteignons la plaza Islas Malvinas où la monumentale sculpture murale ajourée Héroes de Malvinas rend hommage aux victimes de la guerre de 1982.

    Nous partons à la recherche  de la Biblioteca Popular SarmientoRicardo Rojas, l’écrivain et journaliste né en 1882, recteur de l'Université de Buenos Aires entre 1926 et 1930, évoqué dans le blog le jour de la visite de sa maison à Buenos Aires le samedi 17 février dernier, fut emprisonné. Avec le coup d'État d'Uriburu, en 1930, Ricardo fut persécuté et exilé al fino del mundo vers 1934. L’emprisonnement de Ricardo se déroula dans une petite maison en bois, connue de nos jours sous le nom de Bibliothèque Populaire Sarmiento. Chaque jour, il devait se présenter aux autorités pour prouver qu'il était bien à Usuhaïa. Pour passer son temps de détention,  il fit honneur à sa curiosité et décida d'étudier les origines de la Terre de Feu : ses cultures indigènes, sa géographie, son histoire, ainsi que la vie carcérale et les traces qui y furent laissées par les autochtone et les « missionnaires ». Un jour, il rencontra l'un des derniers Onas resté dans la province qui vivait selon le mode de vie de sa culture ancienne. Ricardo, avec une pointe d’anemoia, aurait aimé rencontrer un certain Thomas Bridges, un missionnaire mythique qui écrivit le dictionnaire Yámana-anglais, et vivre à l'époque où les Yaganes et les Onas parcouraient librement la Grande Île…

    Nous suivons ensuite l’avenida Maipú. Nous passons devant la maison de feu Lucinda Otero née à Ushuaia en janvier 1932, couturière douée et appréciée, qui plongeait par passion dans les eaux fuégiennes [les Fuégiens furent les peuples autochtones de la Terre de Feu] en cajolant les pingouins qui s’habituaient à sa présence énergique. A la mort de son père, elle prit en charge la conserverie sur le bateau de pêche familial ;  elle posa des filets, chargea des caisses avec les produits du jour et plongeait dans les grands fonds quand cela était nécessaire. Lucinda avait une passion : l'art. Elle aimait le théâtre et la littérature. Elle joua un rôle actif dans la culture de toute la province. Elle donna l'impulsion nécessaire à la création de la Foire provinciale du livre de Río Grande. Elle œuvra à la réouverture de la Bibliothèque populaire Sarmiento. Elle fut la présidente de l'Association des gens de lettres d'Ushuaia. Elle voyait sa ville natale comme une terre sauvage, frappée par le vent du sud-ouest, installée dans un ravin et entourée par le Cerro Cóndor et la cordillère des Andes, embellie d’une belle plage baignée par le flux et le reflux des eaux du canal Beagle. Pour Lucinda, son paysage était envoûtant, un véritable paradis. Lucinda a quitté la Terre à 72 ans en mars 2004…

    Nous suivons ensuite l’avenida San Martín au niveau de la Parroquia Nuestra Señora de la Merced aux façades jaune safran, aux encadrements et aux toitures en tôle rouge bordeaux. Nous passons devant le restaurant Bodegón Fueguino installé dans une maisonnette qui surplombe l’avenue. J’achète un tee-shirt au Margaritas Gift Shop, décoré de petits pingouins. Nous entrons dans le Dalí café sur l’avenida San Martín. Nous sirotons un chocolat chaud. Nous reprenons la découverte de l’avenue. Le chocolatier artisanal Laguna Negra expose en vitrine des œufs pour la prochaine fête de Pâques. L’avenue se termine au monument Homenaje a la Armada Argentina installé en octobre 1971 par la ville d'Ushuaia pour rendre hommage à la marine argentine. Nous revenons vers le port en suivant l’avenue Maipú. Avant de retourner à bord du Sapphire Princess, nous entrons à l'Office du tourisme qui propose des empreintes à volonté de tampons souvenir.

    Je termine la narration de ces agréables instants en Terre de Feu en ajoutant que Jules Vernes a dédié à Ushuaïa son roman « Le phare du bout du monde ». Le nom de la ville vient de la langue des indiens Yámanas, les premiers habitants, il signifie « Baie vers l’Ouest »…



















Liner Monte Cervantes


























































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