Le navire arrive vers six heures au mouillage dans la Baye Choiseul aux îles Malouines, désertes jusqu'à leur découverte par les Français au seizième siècle et colonisées en 1764 sous la direction du français Louis Antoine de Bougainville. Toutefois, de récentes découvertes de pointes de flèches et de vestiges de canoës laissent à penser qu'elles furent fréquentées bien avant par les Amérindiens Yagan de la Terre de Feu. Port Saint Louis fut la première colonie française des îles Malouines, située dans une anse de la baie Accaron. Le navire Oosterdam de la compagnie Holland American Line est au mouillage à quelques encablures du Sapphire Princess. Nos souvenirs nous mènent au samedi 14 mars 2009, le jour où nous avons embarqué sur le navire Oosterdam au port de Fort Lauderdale en Floride. Nous avions débarqué le lundi 30 mars 2009 dans la Principauté Monégasque au « New Pier » dans le port de Monaco.
Nous prenons des photos à l’aurore. Une magnifique bande solaire isabelle et écarlate se dévoile sur tout l’horizon. Dans la matinée, j’effectue une courte recherche sur les îles Malouines. Je suis stupéfait de lire que le port de Stanley doit son nom à Edward Smith-Stanley, quatorzième comte de Derby, secrétaire d'État à la Guerre et aux Colonies à cette époque, lequel n’a jamais foulé le sol des îles Falkland. Le treizième et le quatorzième comtes de Derby sont présents dans la seconde partie du chapitre 17 en cours de création de mon roman « Apavudia Flaânerie au Royaume du Siam ». Ce sont deux personnages clés dans la destin du héros de cette seconde partie, sans eux, il serait probablement mort dans son enfance dramatiquement mouvementée.
Après le déjeuner, nous montons à bord d’un tender à treize heures. L’océan est agité et les vagues chahutent la coquille de noix qui tape contre le navire durant la montée des passagers. L’écume jaillissante fouette les sabords une fois le tender autonome sur les flots. Nous croisons à distance un tender du navire Oosterdam. Des rayons solaires dessinent des ombres dans notre coquille et nappent de diamants étincelants les flots fougueux. Le pilote assis en dessus de nous manœuvre au mieux pour éviter le creux des vagues qui provoquent de brusques secousses. Un grand balai d’essuie-glace peine à chasser l’eau salée qui éclabousse copieusement le vitrage protecteur. Le côté où nous sommes entrés reste ouvert durant la traversée vers le port de Stanley. Des perles d’eau s’engouffrent grâce au vent et au tangage. Ballottés, nous arrivons à quai sains et saufs une vingtaine de minutes plus tard. Nous débarquons au port de Stanley, la plus grande île de l'archipel des Malouines orientales. Je prends en photo les Jubilee villas qui se trouvent juste en face de la jetée. Elle furent construites en 1887 par la riche famille commerçante Dean pour commémorer le jubilé d'or de la reine Victoria. Elles représentent un exemple typique de maisons mitoyennes britanniques de cette époque, elle contrastent avec l'architecture locale de Stanley. L'ardoise anglaise étant trop lourde pour être transportée sur l'île, les maisons furent couvertes avec de la tôle ondulée dans le « style » des îles Falkland.
Nous flânons dans les alentours du port et nous nous dirigeons vers l'épave du bateau Lady Elizabeth située à Whalebone Cove près de Stanley. Nous nous attardons devant un bus à l’impérial rouge qui abrite un bar. Nous cheminons le long de Ross road East. Des maisons au charme britannique se dévoilent le long du trajet. Un cimetière se déploie sur Snake Hill. La colline s’étonne de toutes ces tombes arrivées là après la folie de la guerre. Nous sommes escortés en continu par le fort souffle d’Eole. Au bord de l’eau, une coquette maison au lambris bleu clair et à la toiture en tôle bleu marine montre une serre et un potager protégé du vent. Un monsieur motivé tond la pelouse devant sa maison. Nous passons devant le Narrow’s bar & restaurant à la toiture en tôle vert foncé. Nombre de quatre-quatre sont stationnés sur le parking. Tout en avançant dos au vent, je prends en photo quelques maisons au gré de ma fantaisie. Les K-ways achetés à Punta del Este sont les bienvenus pour pallier les assauts du vent. Un supermarché surprend par sa présence inattendue. Tout au long de notre avancée, la silhouette du navire Princess nous accompagne au loin. Une heure de marche s’écoule. Nous atteignons sans vraiment l’atteindre l’épave. Je prends une photo depuis le point le plus proche. Le trajet pour l’atteindre de près demanderait encore au moins une demi-heure de marche. L’horaire du « tous à bord » nous dissuade de continuer.
Cette épave est la plus imposante et la plus emblématique de Stanley, connue sous le nom de « Lady Liz ». Ce navire fut lancé à Sunderland au Royaume-Uni en 1879. Des années plus tard, en 1913, le navire subit de sévères dommages lors du contournement du Cap Horn. Il « boîta » jusqu'au port de Stanley pour des réparations, mais le coût vraiment trop élevé empêcha toute exécution. Après divers points d’amarrage dans le port, un violent coup de vent en 1936 déplaça le navire à son emplacement actuel à Whalebone Cove où il se repose, espérant un miracle avant d’être démantelé par les éléments comme le navire Jhelum dont l’épave, ce qu’il en reste de nos jours, se trouve dans le port de Stanley. Le Jhelum, un Indiaman de l'Est, s’abîma aussi au cap Horn en 1870. Cette année-là, fatidique, le Jhelum, lancé à Liverpool au Royaume-Uni en 1849, subit de graves avaries lors de son voyage de Callao à Dunkerque en passant par le Cap Horn alors qu'il transportait une cargaison de guano destiné à être utilisé comme engrais. Le bateau peina à joindre Stanley et s’échoua sur le rivage du port. L’épave, après avoir subi les ravages des marées, est presque entièrement détruite de nos jours. Une photo de 2008, publiée sur le blog, après celle du Lady Liz, montrait pourtant encore une belle prestance…
Dans la zone des containers, dont certains sont réfrigérés, j’assiste au déchargement de l’un deux par le biais d’un bras articulé muni d’un aimant. Lors du retour au port, de temps à autre, nos pas s’éloignent pour de courtes découvertes. Nous arrivons au port vers quinze heures trente. Nous entrons dans une séduisante maison gris bleu aux encadrements de fenêtres blancs, repérée par Patrick en arrivant sur l’île. Alex Olmedo, le manager du « The Waterfront boutique hotel » sur Ross road, nous accueille. La décoration est attrayante et le confort est cosy. Nous sirotons un chocolat chaud en savourant une douceur ; un cheese-cake pour Patrick et une part de gâteau chocolat et dulche de leche que je mange partiellement, tant il est sucré. Alex encaisse, à une vitesse bien rôdée, les 19,94£ (eh oui ! nous sommes en "Angleterre") via la tablette qui a servi également pour la commande. Après des instants de détente, nous saluons Alex et nous continuons notre découverte du port.
Nous nous attardons devant la Stanley House, construite en briques en 1877-78, la seule à cette époque, par la compagnie JW Falkner & Sons, la résidence des directeurs coloniaux de la toute jeune Falkland Islands Company Ltd qui regroupait les propriétaires fonciers et employeurs les plus importants et les plus influents. Elle fut conçue par le cabinet d'architectes londonien Habershon & Pite. Cette grande maison accueillait les dignitaires en visite, les directeurs et les gérants des fermes. Elle possédait un court de tennis, de belles pelouses, de superbes jardins. Un personnel nombreux s’occupait des travaux domestiques et entretenait les extérieurs. Le premier directeur colonial à vivre à Stanley House fut Frederick Cobb, 22 ans, qui quitta les Malouines en 1891 avec sa famille. Son successeur s’appelait Andrew E. Baillon. Après Andrew, neuf autres directeurs coloniaux et leurs familles vécurent à Stanley House jusqu'en 1974, année où la Compagnie des Îles Falkland mis fin au poste Colonial. La maison fut alors achetée par le gouvernement des îles Falkland…
Plus avant sur Ross road, nous entrons dans l'église Sainte-Marie, édifiée en bois, consacrée en 1899, au lambris blanc et au toit rouge de nos jours. Pour la petite histoire, en septembre 1966, les pirates de l'air du vol 648 d'Aerolíneas Argentinas, la compagnie qui nous a transportés au Chili et en Uruguay, trouvèrent refuge dans l'église du père d'origine néerlandaise Rodolfo Roel avant d'être expulsés vers l'Argentine pour y être jugés…
Différentes maisons charment mes regards durant notre marche le long de la baie. D’autres maisons mitoyennes, au façades blanches et aux toits en tôle rouge vif, retiennent mon attention. Elles furent construites pour Jacob Goss, le père de Frederick, un fervent partisan de Napoléon, qui anticipa dès les années 1850 l'essor du commerce sur les îles. Cette « série » de maisons abritait un pub et cinq cottages qu'il nomma « Eagle Inn ». Pour la petite histoire, Elaine Trellis, célèbre actrice et beauté de son temps, oubliée aujourd'hui, naquit en 1871 dans une des maisons. Les bâtiments furent achetés en 1866 par George Markham Dean, l'agent et marchand de la Lloyds qui prospérait à l'époque de la navigation à voile et à vapeur lorsque de nombreux navires s’abîmaient au cap Horn et venaient péniblement se réfugier aux Malouines. D’autres propriétaires se succédèrent. De nos jours, les cottages abritent des appartements.
Nous revenons sur nos pas pour reprendre un tender, le « tous à bord » étant fixé à dix-sept heures. Nous repassons devant la magistrale cathédrale anglicane du Christ-Roi, consacrée en février 1892, la plus méridionale du monde. Elle fut construite en pierre du pays avec un parement de briques rouges. Nous embarquons une quinzaine de minutes avant l’heure du tous à bord. Le tender est bondé. La traversée se passe en douceur, sans à-coups, avec un tangage léger, troublé de temps à autre par les soubresauts de vagues téméraires. Nous montons à bord du navire à dix-sept heures trois et nous allons directement dans notre cabine où je prends en photo la tablette numérique verticale qui sert de serrure à la porte. Nous devons mettre un de nos deux médaillons circulaires devant le cercle appropriée pour déclencher le pêne. Une sorte de gadget qui vole du temps, car le système est souvent capricieux…
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