lundi 4 décembre 2023

Hier... Escale estivale à Salvador de Bahia au Brésil…

Midi approche quand le navire arrive en vue de la ville de Salvador de Bahia, appelée aussi São Salvador de Bahia de Todos os Santos (Saint sauveur de la baie de tous les saints), riche aujourd’hui de près de trois millions d’habitants. Elle fut découverte selon la légende le jour de la Toussaint. C’est la première colonie portugaise créée au début du seizième siècle. Elle fut le théâtre des premiers échanges avec les Amérindiens et devint, par la suite, un véritable carrefour commercial et de traite des Africains par les puissances européennes. La ville était alors, après Lisbonne, la deuxième plus grande ville de l’Empire portugais. La ville de Salvador porte deux surnoms : « Capitale da Alegria (joie) » en raison des fréquentes célébrations populaires et « Rome Noire », capitale de la culture afro-brésilienne, la ville étant la plus métissée du pays.

Nous déjeunons à la mezzanine du buffet. Je m’offre un temps de farniente sur le balcon dans la chaude chaleur de l’air en attendant de descendre à terre. Les rayons solaires répandent des rivières de diamants sur les flots indolents. Le feu vert pour débarquer est donné peu après quatorze heures. Nous rejoignons la file d’attente au pont un. Vers quatorze heures trente, nous marchons le long du port, nous passons devant le navire Msc Seaview à la ligne futuriste, amarré en prolongement du Fascinosa. Le ciel est grand bleu, le soleil brille et la chaleur est estivale. Je me sens bien. Nous prenons la direction de l’élévateur Lacerda. Nous traversons le petit parc de la place da Inglaterra où cinq sculptures attrayantes « Maternos » de Zuarte Júnior, poète, scénographe et costumier, rendent hommage à feu l'artiste Reinaldo Eckenberger ; des chevaux à bascules ludiques séduisent les regards. Plus avant, nous nous attardons devant des fresques peintes sur des façades d’immeubles. Nous atteignons la place Visconde de Cayru où se dresse l’élévateur Lacerda qui fait face au Mercado Modelo, aux murs jaunes soulignés de blanc. Nous intégrons la file d’attente sous le soleil ardent pour joindre la ville haute. Nous payons chacun quinze centimes de real (pluriel : reais), soit environ septante-cinq centimes d’euro. Véritable symbole de la ville, l’élévateur, hydraulique à ses débuts, fut particulièrement avant-gardiste sur son temps puisqu’il a été inauguré le lundi 8 décembre 1873, le jour de la fête de Notre-Dame de Conceição da Praia, après quelque quatre années de travaux, car il fallut percer deux tunnels dans la roche, l’un vertical, pour abriter la première tour, et l’autre horizontal, pour permettre l’accès à la place haute. La recette de ce premier jour fut versée à l’asile de Santa Casa da Misericórdia. Pourvu de deux tours, l’élévateur, qui fonctionne 24 heures sur 24, tient son nom de son concepteur, l’homme d’affaires Antonio de Lacerda (1834-1885). Il fut construit avec l’aide de son frère, l’ingénieur Augusto Frederico, et financé par son leur père Antonio Francisco. La seconde tour à l’avant fut inaugurée le dimanche 7 septembre 1930 après une rénovation complète dans laquelle l’ensemble architectural s’est paré de son style art déco.

Quand nous sortons de l’élévateur, nous arrivons directement sur la place Tomé de Sousa où trône le palais Río Branco, l'un des plus anciens palais du Brésil, édifié au milieu du seizième siècle par le premier gouverneur général du Brésil, Tomé de Sousa, pour devenir le centre de l'administration portugaise. Nous sommes dans la ville haute, nommée Ladeira da Montanha. Je prends en photo une dame bahianaise vêtue d'une jupe ample colorée à cerceaux. Nous descendons la rampe inclinée qui mène au Memorial das Baianas ouvert en 2009, dédié à l'histoire et à la tradition de l'artisanat des femmes esclaves acarajé de Bahia. L’acarajé est un plat typique de la province de Bahia venu d'Afrique par l'intermédiaire des esclaves. Les femmes esclaves vendaient des acarajés pour faire vivre leur famille et acheter leur affranchissement. Une multitude de rubans de couleurs sont répartis devant une Baiana géante. Ces bracelets porte-bonheur portés autour du poignet, noués par trois fois en formant trois vœux, se détachent naturellement quand les vœux sont exhaussés. Nous arpentons les gros pavés des ruelles rarement horizontales. Les demeures coloniales du passé, où vivaient les notables et les commerçants aisés quand Salvador de Bahia était la capitale du Brésil, alignent leurs façades aux couleurs pastel variées ornées de balcons en fer forgé ouvragé. Nous arrivons à la place Terreiro de Jésus encadrée par d’imposants édifices coloniaux. La place abrite trois églises dont la cathédrale basilique de São Salvador, une ancienne église du collège des Jésuites, construite au dix-septième siècle avec du marbre qui lestait les bateaux revenant à vide du Portugal. D’autres rubans de couleurs tapissent la clôture métallique ajourée qui entoure la fontaine centrale. Les minutes sont admiratives. Nous arrivons au quartier Pelourinho au cœur du centre historique. Le quartier doit son nom au pilori qui dominait la place principale, lieu où se déroula le premier grand marché d’esclaves du continent sud-américain. À l’époque, les pavés étaient souvent rouges du sang des esclaves réfractaires. Après le samedi 7 septembre 1822, jour où le prince Pedro de Portugal poussa le cri d'Ipiranga pour proclamer l’indépendance du Brésil, le quartier fut abandonné. Aujourd’hui, le Pelourinho ressemble à un musée à ciel ouvert. La façade bleu ciel d’une bâtisse retient mon attention. Un vendeur de noix de coco s’active devant la Igreja e Convento de São Francisco, à l’angle de la rua da Oração. Nous en achetons deux pour dix reais, soit deux euros. Le vendeur, muni d’une petite serpe, taille les deux grosses coques vertes pour accéder à la pulpe dans des gestes adroits et précis mille fois répétés. Nous sirotons le jus à la paille en découvrant dans une proche ruelle en travaux la façade du couvent Saint François, décorée de surprenantes fresques d’azulejos représentant des scènes bibliques que j’avais assimilées aux décorations des temples khmers du Cambodge.

Autre part, d’autres maisons de plain-pied dévoilent leur charme et leur superbe façade aux couleurs vives. Nous descendons l’Alaíde do Feijão qui nous offre à son terme une autre vue panoramique sur la ville haute. Un probable palais se remarque nettement parmi les constructions enchevêtrées. Nous rencontrons régulièrement des chats qui se prélassent où bon leur semble. La vitrine d’un bar montre divers livres dont un recueil de poèmes afro-brésiliens. Les boutiques sont toutes ouvertes sur les ruelles et les commerçants avenants ont le contact facile. Parfois, nous changeons de direction quand les sonorités de groupes de musiciens folkloriques deviennent trop fortes dans l’étroitesse des ruelles. Nous renonçons à découvrir l’église bleu ciel Nossa Senhora do Rosário dos Pretos devant les percussions tonitruantes et la foule qui occupe la rue ; je me contente de faire une photo de l’église dont les deux clochers couronnés d’une coupole à bulbes se voient nettement au bas de la rua Alfredo de Brito. Nous commençons à en avoir plein les jambes ; les kilomètres s’additionnent. Les dix-sept heures approchent et le « tous à bord » aussi. Nous faisons un crochet dans la cour de la Casa do Carnaval da Bahia où trois personnages en sculptures colorées, aux oreilles dressées, accueillent les visiteurs. Près de l’élévateur, je prends en photo un bus scolaire jaune et noir. Nous marchons sur la rua Chile, nous admirons les magistrales façades ocre et blanc, tendance baroque, du Palacete Tira-Chapéu conçu par l'architecte italien Rossi Baptista, financé au début du siècle dernier par l'élite bahianaise qui poursuivait une longue période d'ascension économique avec la production de tabac à Recôncavo, de cacao au sud de Bahia et de textiles à proximité. Il fut édifié pour abriter l'Association des Employés du Commerce de Bahia, une institution fondée en 1900. Nous descendons un peu plus loin la rue très inclinée Pau da Bandeira, qui mène à la ville basse, pour un autre coup d’œil sur le panorama portuaire. Le soleil décline à l’horizon. Nous retournons à l’élévateur pour revenir au port. Nous visitons le Mercado Modelo riche de nombreux comptoirs où l’abondance des produits est considérable. Une dernière fresque est photographiée avant d’arriver au port où je prends en photo le disque solaire qui va disparaître à l’horizon suite à la rotation de la terre. Le coucher de soleil safrané offre de voir en ombre chinoise le petit fort de Sao Marcelo érigé au dix-septième siècle sur un banc de sable face à la ville basse ; le Forte do Mar, équipé d’une cinquantaine de canons pointés en éventail, montait la garde pour protéger la cité contre les attaques maritimes. Tout en marchant vers le navire, je me dis que les sourires étaient au rendez-vous durant cette plaisante escale. La ville haute fourmillait d’êtres humains enjoués et détendus, à l’indolence teintée de nonchalance, libres du stress de l’empressement : un monde de dilettantisme harmonieux. Un dernier cliché du coucher de soleil est pris sur le balcon peu avant dix-huit heures…

Pour la petite histoire musicale, Michael Jackson est venu à Salvador en 1996 pour la version brésilienne de son clip « They don’t care about us » réalisée par Spike Lee, connu pour son militantisme en faveur de la cause afro-américaine…

Lors du dîner, je montre à sa demande, les photos du jour à Olha. Patrick prend des pâtes fusilli à la tomate, aubergine et courgette. Je sirote une camomille servie dans une théière blanche. Dans la soirée, nous assistons au spectacle « Sapori d’Italia » où les danseurs et danseuses du navire surfent magistralement, à un rythme effréné, sur les succès passés et présents nés sur la botte italienne. Une ancienne Fiat 500 rouge et une ancienne Vespa participent au spectacle…
































































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