Le navire effectue aujourd’hui une escale à Recife, la capitale de l'État du Pernambouc au Brésil, fondée au seizième siècle par les colonisateurs portugais, aujourd’hui la cinquième agglomération du pays peuplée de quelque quatre millions d'habitants.
La lumière du jour qui s’infiltre par les jointures des rideaux, vers cinq heures du matin, nous réveille. Nous nous levons avant six heures. Dans la dizaine de minutes suivantes, la Skyline de Recife apparaît dans sa magnificence de gratte-ciel majoritairement blancs. Sur le balcon, l’espace d’un instant, je me crois à New York, dans un univers parallèle devant les tours jumelles du World Trade Center disparues dans notre réalité. Nous sortons de la cabine avant neuf heures. Le navire dégorge des flots de passagers. Trente degrés sont annoncés à l’ombre. Le ciel est grand bleu. Nous intégrons la file d’attente pour prendre une navette qui nous conduira à la sortie du port. Je m’assois sur une bite d’amarrage pendant que Patrick suit le mouvement de la file. Un homme en uniforme vient me dire que c’est interdit de s’asseoir sur la bite. Je prends place sur le sol en attendant que Patrick arrive à mon niveau. Nous montons ensuite dans une navette gratuite. Le conducteur est isolé des passagers par une porte coulissante derrière laquelle un rideau noir déployé sur toute la largeur du car empêche de voir vers l’avant ; une première dans un car de tourisme. Cinq minutes plus tard, nous sommes à la sortie du port. Une passagère avenante nous prend en photo devant les lettres « Porto do Recife ». À proximité, nous passons devant le Leão de Nuca, une grande statue de lion, une œuvre de l’artiste Mestre Nuca, réalisée pour souhaiter la bienvenue aux passagers débarquant au port de Recife. Nous longeons le port pour atteindre la Praça Barão do Rio Branco. Depuis 1938, cette place est le point de départ de toutes les mesures des distances calculées au Brésil entre les villes et autres sites. Nous suivons ensuite l’avenida Rio Branco qui mène au ponte Buarque de Macedo. En chemin, nous nous attardons devant une séduisante grande crèche de la nativité avec des santons en terre cuite de taille humaine et devant un coq coloré du plus bel effet. Nous traversons le pont pour parvenir sur l’île Antônio Vaz. Il surplombe le fleuve Capibaribe qui traverse l'État de Pernambuco pour se jeter dans l'océan Atlantique à Recife. Nous cheminons devant le vaste palais de Justice devant lequel un jardin en rénovation peine à s’épanouir sous la forte chaleur. Une grande rigole entre les chaussées et les trottoirs semble indiquer que la force des pluies doit être parfois violente sur la ville. Nous prenons à droite et nous arrivons devant le Théâtre Santa Isabel aux façades roses. Nous rencontrons fortuitement la petite dame asiatique qui marche comme nous sur le pont trois après le déjeuner. Elle nous montre une grande bâtisse à l’architecture éclectique jaune safran clair et nous invite à la visiter en utilisant nombre de superlatifs pour la vanter. Elle ajoute que c’est gratuit. Nous traversons la rue et nous entrons dans le Palácio do Campo das Princesas qui s’avère être le siège administratif du gouvernement de l'État de Pernambouc. Le gouverneur et sa famille y vivent. Les visiteurs sont invités à noter leur nom et leur ville de résidence. La ligne au-dessus montre la même ville que nous : Annecy ; étonnant ! Nous bavardons un instant avec le couple annécien, qui effectue également la traversée à bord du Costa Fascinosa, avant l’arrivée de la guide qui va nous faire visiter le palais construit dès 1841 par l'ingénieur Moraes Âncora, sur l’impulsion du gouverneur de l’époque Francisco do Rêgo Barros, comte de Boa Vista. Une petite vingtaine d’années plus tard, le palais fut rénové pour accueillir l'empereur Pierre II du Brésil, la dernière impératrice Thérèse Christine de Bourbon et des deux-Siciles, et leurs quatre enfants dont deux princesses, Isabelle et Léopoldine ; depuis lors, le palais s’appelle le « Palais du champ des Princesses ». Elles aimaient s’amuser dans le vaste parc ombragé que nous foulons après avoir traversé différentes salles pour atteindre l’arrière du palais. Le jardin borde magnifiquement le fleuve qui se sépare en deux bras ; une oasis de bien-être au cœur de la ville. Une légende raconte qu’Antoine de Saint-Exupéry, lors de sa tournée aérienne à Recife, fut inspiré, avant son écriture du Petit Prince, par un grand baobab planté devant le palais.
Nous traversons le proche ponte Santa Isabel, le premier pont en fer de Recife et le dernier pont sur la rivière Capibaribe avant sa jonction avec la rivière Beberibe, conçu par l'ingénieur français Louis Léger Vauthier. Nous cheminons le long de la rua da Aurora. Patrick me prend en photo sur un banc, assis à côté de la sculpture d’un homme inconnu dont les informations sur son identité ont subi les intempéries tropicales comme nombre d’immeubles en souffrance, pris en photo pour certains, mais non publiés sur le blog par « respect ». Je verrai ultérieurement sur le navire qu’il s’agit de João Cabral de Melo Neto, le premier Brésilien à avoir remporté le prix Camões. João est considéré par la critique comme l'un des plus grands poètes de la littérature brésilienne. En face de la rua da Aurora, de l’autre côté du fleuve, la rua do Sole se souvient de sa magnificence. Dans la seconde décennie du vingtième siècle, la rua do Sol possédait une charmante jetée, avec une promenade publique et des demeures de charme où vivaient les résidents chanceux. Ponctuée de jardins et de bancs publics, la rue accueillait un tramway qui, de nos jours, a cédé la place aux voitures. Seul le Soleil, qui reste le même, peut témoigner de cette période de douceur de vivre. Pour la petite histoire, l’édition d’un journal du 15 mai 1919 fait état du suicide d'Epaminondas Santos qui se jeta dans la rivière Capibaribe vêtu de vêtements de cachemire noir. « Semblant être en deuil », il laissa dans son chapeau noir dans un étui hermétique des Réis, des pièces de monnaie d’une valeur actuelle de plus de deux mille euros, avec un billet indiquant de les donner à un pauvre infirme.
La rua da Aurora montre des bâtisse colorées défraîchies, dont certaines verraient d’un bon œil d’être restaurées. Des rideaux de commerces fermés s’interrogent sur leur prochaine ouverture. Près de la boutique de fleurs Vasos, riche de nonante ans de tradition, nous traversons l’ancien ponte da Boa Vista, qui enjambe un autre bras du fleuve, pour éviter de trop nous éloigner. L'architecture du pont, le plus typique du paysage urbain de Recife, met en valeur les quatre pilastres métalliques surmontés des armoiries impériales. Nous suivons la rua Nova animée bordée de commerces en tous genres ouverts sur la rue. Nous arrivons à la Praça do Diário où un coquet petit parc se dévoile. Des commerçants ambulants vendent leurs produits. Nous cheminons sur la rua Duque de Caxias où je m’attarde dans le Duque Café où des convives se restaurent sur un comptoir longé de vitrines de douceurs et autres produits salés. Au bout de la rue, qui me rappelle Bangkok avec tous ses fils enchevêtrés qui la traversent, un superbe bâtiment, au bleu ciel dominant, montre une statue d’une possible déité assise sur la saillie rectangulaire d’un balcon à colonnade. Nous revenons sur nos pas et nous allons à la poste principale en traversant la place ; je prends en photo le coquet jardin. La rue est bruyante des sonorités criardes des commerçants qui utilisent des micros dans la rue pour attirer le chaland. Pendant que Patrick est à la poste, je bavarde sur le trottoir avec deux charmants policiais militares qui m’offrent leur service dans la découverte de la ville. Grâce au traducteur vocal de leur smartphone, nous pouvons communiquer. Ils connaissent Marseille pour son équipe de football. Ils m’indiquent un restaurant et me demandent si je sais le chemin pour retourner au navire. Nous échangeons nos prénoms, mais je manque de compréhension pour les leurs ; peut-être Roberto et Ignacio. Patrick tardant à sortir, je m’assois au sol le dos contre un pilier de la galerie qui longe la poste où Sara s’occupe de lui vendre des timbres. Il ressort après une absence de trente minutes. Les onze heures trente sont dépassées et nous décidons de revenir au navire ; le « tous à bord » étant annoncé à midi trente. Après une fresque expressive de Florim graffiti, nous passons devant l’étonnante Casa Leão dont la façade très ancienne offre aux regards des sculptures d’animaux et d’oiseaux. Nous retraversons le ponte Buarque de Macedo et nous longeons à nouveau le port où nous traversons un long hangar riche de l’artisanat brésilien. La sculpture d’un monsieur en bois aux grands pieds, portant chapeau, canne et lunettes à grosse monture, accueille les visiteurs. Une autre navette nous dépose à midi vingt devant le navire photographié au loin depuis un des nombreux ponts de la ville. Le court parcours en car est chaotique avec ralentisseurs et ornières. Nous sommes bringuebalés après presque huit kilomètres à marcher dans la ville. Nous entrons dans l’installation portuaire. Le port et le quai sont de plain-pied, toutefois, nous montons la rampe inclinée que nous avions descendue, qui me rappelle en partie celle du musée Solomon Guggenheim à New York, et nous descendons au niveau du quai par un escalator sonore dans son fonctionnement. Nous déjeunons à la mezzanine du buffet. Neuf enfants du bateau, accompagnés de membres de l’équipage, déjeunent avec animation près de notre table. Le navire lève l’ancre à treize heures quarante-cinq. Nous sortons sur le balcon prendre des photos. Un pêcheur nous fait signe depuis sa barque blanc et vert. Il nous prend aussi en photo avec son smartphone…
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